L’appel de l’abbé Pierre entendu par Emmanuelle Riva
L'actrice témoigne pour la Fondation Abbé Pierre.
Emmanuel Riva, César de la meilleure actrice en 2013, n’a pas encore 27 ans le 1er février 1954. Jeune comédienne, cet hiver-là elle est à l’affiche avec son premier rôle principal dans « Le Héros et le Soldat ». Elle témoigne pour la Fondation…
Je me rappelle très bien ce cri. Un cri de détresse encore dans mes oreilles. Dans ces mots, dans sa voix, c’était le cœur qui éclatait. L’abbé Pierre était dans la révolte extrême, comme un insurgé. Des gens mourraient de froid ! C’était un cri poussé avec le cœur et on était forcément dans l’écoute totale en l’entendant.
Son cri était si juste, si vrai. Des gens souffraient tellement… L’indifférence est une honte, surtout de la part du Gouvernement. L’abbé Pierre a soulevé la terre. C’était un vrai soulèvement.
J’ai toujours été perméable à ce que je vois, à ce que j’entends. Je n’ai jamais été quelqu’un d’indifférent. Grâce à l’appel de l’abbé Pierre, j’ai été éveillée et réveillée à ce problème des sans-abri alors que j’aurais pu le négliger, ce qui peut arriver lorsque l’on est jeune ! Certainement, cela a eu une influence sur ceux qui l’ont entendu. Cela a réveillé la conscience de l’humain.
« Ce cri m’a réveillée et même sans doute éveillée pour toujours. »
Il me semble que ce cri a conforté la sensation, l’ouverture que j’ai sur le monde. Regarder et comprendre, c’est fondamental, surtout dans mon métier. Pour moi, être acteur, c’est être au plus proche de l’essence humaine.