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Loi SRU : 3 questions à Christophe Robert

1. La loi « SRU » est- elle remise en cause dans ses fondements avec ce nouveau vote au Parlement ?

Depuis sa création en 2000, la loi SRU a soutenu la production de près d’un million de logements sociaux dans les communes qui en manquaient cruellement, soit la moitié des logements sociaux financés. C’est pourquoi sa pérennisation après la date butoir de 2025 était essentielle. C’est ce que fait la loi « 3DS ». En ce sens, elle consolide la loi « SRU » et ne peut qu’être favorablement accueillie. C’était un des grands enjeux de cette fin de quinquennat.

2. En quoi est-elle tout de même affaiblie ?

Pour parvenir à un compromis entre les sénateurs et les députés, la loi SRU a été sensiblement allégée. Les occasions de réduire les objectifs de production de logement sociaux sont plus nombreuses. Une commune peut demander la baisse de ses objectifs de production de logements sociaux triennaux si elle s’estime incapable de les atteindre, en signant un contrat dit « de mixité sociale » avec le préfet et l’intercommunalité. De plus, les objectifs de production de logement sociaux pourront dorénavant être, sous certaines conditions, mutualisés au niveau intercommunal permettant encore de modérer les objectifs de certaines communes. Ces adaptations ne seront pas que ponctuelles, mais peuvent couvrir une période longue de 9 ans.

La modulation des objectifs était déjà possible par le passé, mais devait passer par un avis de la commission nationale SRU, « afin d’assurer une homogénéité de traitement entre les territoires et un niveau ambitieux de production », comme le soulignait le gouvernement en présentant son projet de loi. S’affranchir de cet avis, c’est prendre le risque d’arrangements locaux au détriment du logement social, si les préfets ici ou là se montrent trop conciliants, alors que l’heure devrait être à la sévérité, 20 ans après la mise en œuvre de la loi SRU.

Au vu du faible taux de carencement par les préfets des communes en retard sur leurs objectifs de rattrapage (environ 50 %), on peut légitimement craindre que cette contractualisation directe avec les communes favorise les arrangements locaux. Il faut rappeler que la ville de Nice, par exemple, a été épargnée, malgré des résultats très négatifs (avec un taux de 13 % de Hlm seulement, elle n’atteint que 29 % de ses objectifs).

En définitive, pour une loi qui n’est toujours pas appliquée par des centaines de communes depuis deux décennies, on peut s’inquiéter de la multiplication des dérogations possibles, d’autant plus que les sanctions pour les communes carencées sont amoindries, puisque le préfet ne pourra plus reprendre la compétence d’attribuer les logements sociaux du « contingent communal ».

3. Quels sont désormais les enjeux pour s'assurer que la loi remplisse les objectifs de la loi ?

Ce nouveau cadre va nécessiter un contrôle étroit pour que les préfets ne relâchent pas la pression sur les maires récalcitrants. A défaut de modifier la loi, les consignes et les modalités d'application du dispositif peuvent mettre la commission nationale en position et en légitimité pour être active dans son rôle d'alerte en cas de dérives sur certains territoires.

Le gouvernement prochainement en place devra dire comment il compte garantir l'homogénéité de traitement entre communes. Les contrats de mixité sociale devront être analysés, de manière objective. La commission nationale SRU peut remplir cette mission, si elle est correctement informée et si le ministère la mandate pour procéder à un bilan public et lui donner les moyens d’intervenir là où ce sera nécessaire. Il est indispensable qu’une instance publique soit investie du rôle de lanceur d'alerte.