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60e anniversaire de l'appel de l'abbé Pierre

La Fondation a fait revivre l'Appel grâce au concours de Lambert Wilson, à l'ouverture de la présentation du 19e rapport sur l'Etat du Mal-Logement en France.

 

Nous arrivons à Paris fauchés comme les blés… Il fait froid et mon père rencontre l’abbé Pierre. Je revois cet homme fluet, à la barbichette et au béret noir.

Nous sommes logés dans des grandes tentes… Mon père,  ma mère, Jacqueline, Evelyne et moi. Nous dormons sur des lits de camps, entourés de gadoue. Dans la tente voisine, un monsieur chante de l’opéra. C’est le début du camp, mon père aide l’abbé Pierre dès qu’il le peut ; il est l’un des hommes à tout faire et le seconde quand il n’est pas parti travailler ailleurs.

Nous faisons la queue pour manger de la soupe. Mon père part tôt le matin à l’usine,  sans manger jusqu’au soir.  Un jour, ma mère a de quoi lui faire un sandwich. Il l’oublie sur la table. Je vois encore ma mère pleurer lorsqu’elle le découvre.

Puis vient la naissance de Richard, le dernier petit frère, le plus petit des bébés que ma mère ait mis au monde. Il régurgite le lait qu’on lui donne,  il semble refuser la vie qu’on lui a donné.

Je me souviens de Noël au camp, les camions apportent des jouets pour les enfants. L’abbé Pierre pleure. Je me demande pourquoi. Ma mère m’expliquera plus tard dans la journée que c’est le chagrin : on lui en demande toujours plus et il y a de plus en plus de monde dans le camp...

 

J’avais 5 ans. J’étais la cadette. Je ne sais plus comment nous avons atterris,  mes sœurs et moi et mes parents, dans le village de tentes de Noisy le Grand. Il y avait de la boue partout ; nous étions en lisière de forêt et il faisait froid et humide.  On se chauffait avec des lampes à pétrole. 

Témoignage d’Yvette Isabel Gallegos