Abolition des coupures d’électricité : la Fondation réitère sa demande.
À l’heure où les aides exceptionnelles mises en place pour contrer l'augmentation des prix de l'énergie se retirent progressivement et que le montant du chèque énergie stagne à des niveaux insuffisants, le Médiateur de l’énergie révèle que le cap du million d’interventions (coupures et réductions de puissance) pour impayés de facture d’énergie (gaz et électricité) a été franchi en 2023. Cela représente une augmentation de 49 % par rapport à 2019.
Ces chiffres dramatiques tombent malheureusement sans surprise. Après une augmentation de 28 % des prix de l’énergie entre les deuxièmes trimestres 2021 et 2022, qui s’était traduite par une hausse des factures annuelles de 310 € en moyenne (atteignant 1912 € par foyer en 2022), la part des ménages incapables de maintenir une température adéquate dans le logement avait fait un bond de 80 %.
Même si la hausse des prix aurait toutefois été deux fois plus importante sans le bouclier tarifaire et les chèques exceptionnels, la baisse du niveau de protection en 2023 explique une importante dégradation des indicateurs liés à la précarité énergétique.
31 % des ménages ont rencontré des difficultés pour payer certaines factures de gaz ou d’électricité, contre 18 % en 2020 ;
79 % des consommateurs ont restreint le chauffage pour ne pas avoir de factures trop élevées en 2023, soit 10 points de plus par rapport à 2022, et 26 points de plus par rapport à 2020 ;
La privation énergétique qui fait suite à la coupure a des effets très concrets sur la santé et la vie des ménages. Une étude menée par la Fondation Abbé Pierre a pu mettre en évidence qu’en plus d’être particulièrement sensibles aux pathologies hivernales, des problèmes de santé chroniques respiratoires, ostéoarticulaires, neurologiques ou de dépression apparaissent plus fréquemment chez les personnes exposées à la précarité énergétique, toutes choses égales par ailleurs3, alors que celles-ci n’avaient pas encore atteint le stade de la coupure. Être privé de chaleur et d’électricité engendre également des risques d’incendie par l’utilisation de bougies, de lampes ou de chauffage à pétrole. Au-delà des conséquences sanitaires et économiques, la privation énergétique est un facteur d’exclusion sociale qui a des effets dramatiques sur la santé mentale, l’estime de soi, la vie professionnelle, familiale, et l’éducation.
Un service minimum de l’énergie pour tous
Tout comme l’eau, l’énergie est un produit de première nécessité et doit de ce fait être un droit inconditionnel. La Fondation Abbé Pierre propose qu’un Service Minimum de l’Electricité pour tous soit garanti et financé par la solidarité, quel que soit la période de l’année.
Les fournisseurs d’électricité ne seraient plus en droit d’interrompre la fourniture d’énergie dans le logement principal, et ce, quelle que soit la période de l’année. Cet accès minimum à l’électricité bénéficierait à l’ensemble des ménages, quel que soit leur niveau de revenu. Un dispositif réservé seulement au ménages précaires ou bénéficiaires du chèque énergie ne permettrait pas une protection de toutes les personnes en précarité énergétique, et pourrait engendrer des difficultés dans l’identification des ménages concernés par les fournisseurs d’énergie.
Cette mesure consensuelle, soutenue par le Médiateur de l’Énergie et une large part des acteurs de l’aide sociale, est déjà partiellement appliquée. En effet, en 2021, EDF a répondu à l’appel de la Fondation Abbé Pierre en prenant la décision historique de remplacer définitivement la coupure d’électricité par la limitation de puissance.
Malgré l’engagement d’EDF, l’État se refuse toujours à généraliser cette mesure aux autres fournisseurs comme Total ou Engie. À mi-chemin, un décret a été publié le 1er avril 2023 obligeant les fournisseurs à prévoir une réduction de puissance de deux mois minimum avant toute coupure d’électricité. Une mesure avec un délai encore trop court qui ne suffit toujours pas à protéger les ménages les plus vulnérables contre les conséquences de la privation énergétique.
Il est donc maintenant temps d’appliquer concrètement le « droit d’accès à l’énergie pour tous les ménages » inscrit dans la loi, afin que tous les consommateurs, quel que soit leur fournisseur d’électricité, bénéficient de cette protection.