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Expulsés sans délai : des étudiants mal protégés !

Expulsés sans délai : des étudiants mal protégés !

La Fondation et des étudiants de l’Université Paris 1 présentent une étude inédite sur les expulsions des étudiants de résidences universitaire du Crous.

La jeunesse étudiante est frappée par une précarité structurelle : 20 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté et 46 % d’entre eux travaillent pendant l’année scolaire. En outre, elle a de plus en plus de difficultés à se loger : le logement correspond à leur premier poste de dépenses (en moyenne 60 % de leur budget en 2022).

En France, l’offre totale de logements en résidences gérées par les Crous s’élève à environ 175 000 logements et ne permet de loger qu’environ 25 % des 700 000 boursiers de l’État et 6 % de l’ensemble des 2,7 millions d’étudiants. L’offre de logement en résidences universitaires est structurellement déficitaire et en baisse depuis 2017.

L’étude menée par la Fondation Abbé Pierre et les étudiants de l’Université Paris 1, révèle un traitement sévère des situations par la justice. Sur 221 requêtes du Crous à l'encontre de résidents à des fins d'expulsion étudiées entre janvier 2022 et février 2023, les tribunaux administratifs ont prononcé l'expulsion de 193 résidents (soit 87 %) dont 127 sans délai (soit 57 %).

En effet, les étudiants qui ne parviennent plus à payer leur loyer, qui ont perdu leur statut étudiant ou n’ont pas renouvelé à temps leur contrat de résidence, peuvent être expulsés de leur chambre universitaire dans des délais très courts y compris durant la période hivernale, contrairement au droit commun des expulsions locatives. Les étudiants disposent parfois de moins de quinze jours pour partir et leurs effets personnels ne sont pas systématiquement conservés. Chaque Crous ayant ses propres pratiques et marges de manœuvre cela entraine une rupture du principe d’égalité devant le service public pour des milliers d’étudiants.

Lorsque des délais sont accordés (dans seulement 33 % des cas), ils varient de 8 à 15 jours. Dans 22 cas (10%), le Crous s'est désisté, généralement suite au départ du résident face à la pression. Dans la plupart des cas, les résidents menacés d’expulsion quittent leur chambre sous la pression bien avant le passage au tribunal et réalisent, par conséquent, très peu de recours contre les décisions du Crous.

Enquête inédite
L’enquête montre que l’expulsion ne concerne pas tous les profils d’étudiants et qu’elle n’est pas sans effet sur les parcours des personnes concernées. Les résidents expulsés interrogés ont en commun d’être plutôt isolés socialement et éloignés géographiquement de leur famille. La mise en œuvre d’une procédure d’expulsion génère un stress intense et a des effets psychologiques non négligeables. Les résidents connaissent une souffrance psychologique du fait des pressions, parfois brutales, exercées par le Crous et du sentiment d'incertitude lié à une application inégale de la trêve hivernale. En outre, le sentiment de honte des étudiants menacés d’expulsion accentue leur isolement social et permet de comprendre un phénomène de non-recours aux droits important. Dans certaines académies, il faut attendre parfois plus d'un mois pour avoir un rendez-vous avec une assistante sociale.

Elle a des répercussions sur les parcours universitaires et professionnels des enquêtés. Les expulsions en cours d’année nuisent par exemple à la poursuite du parcours universitaire, avec un relogement parfois très loin du lieu d'études ou très instable. Elles peuvent aussi conduire à une insertion anticipée sur le marché du travail, sans avoir pu terminer leurs études.

Il est urgent de réintégrer les procédures d’expulsions des résidences étudiantes dans le droit commun des expulsions locatives pour que les étudiants bénéficient des mêmes protections et des mêmes droits que l’ensemble de la population. Il faut également mieux prévenir les risques d’expulsion en assurant le suivi social des étudiants les plus précaires. Enfin, il est urgent d’augmenter la capacité d’accueil insuffisante des résidences étudiantes Crous. La Fondation appelle au lancement d'un grand plan de construction de 15 000 logements étudiants conventionnés par an.

Le logement des jeunes est une urgence absolue.