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« J’ai pu partager mon fardeau, ça m’a fait beaucoup de bien »

Grâce au soutien de la Fondation, l’association des « Locaux Moteurs » vient à la rencontre des personnes mal logées en Bretagne, dont de nombreuses femmes.

Patricia est installée dans le Finistère, en périphérie de Carhaix, dans une maison où elle vit depuis 3 ans avec ses deux adolescents. Une maison de 126 m2 datant des années 70, dans laquelle aucune rénovation n’avait été effectuée par les anciens propriétaires. « Quand je l’ai achetée, elle était dans son jus et inhabitée depuis deux ans. À l’époque, j’étais en couple et nous avions convenu que mon compagnon prendrait les travaux à sa charge ; on voulait en faire notre nid », précise l’aide-soignante aujourd’hui en arrêt maladie. Fenêtres en bois en simple vitrage, chaudière vétuste, fuites d’eau… les factures énergétiques s’empilent et Patricia se retrouve seule, avec 1 700 euros/mois, pour tout assumer, y compris les travaux dont les devis ont été signés.

« Il faisait 15 degrés dans la maison, je chauffais très peu, mes garçons prenaient des douches froides ; on allait se laver régulièrement chez ma fille ainée. Je voyais bien les moisissures dans les chambres, je savais que ce n’était pas sain, mon fils et moi étions tout le temps enrhumés… j’avais l’impression de manquer à mes devoirs de mère », avoue Patricia qui se rappelle les hivers derniers, emmitouflée dans sa doudoune à la maison pour lutter contre l’humidité et le froid. « Toutes les dépenses se sont accumulées, je me suis retrouvée avec une lourde dette et j’ai dû faire un dossier de surendettement, juste après ma séparation. J’étais très mal, j’étais en dépression, en fait. J’avais tout restreint, la nourriture, les vêtements et les loisirs, depuis longtemps. J’essayais de rester debout, mais je ne m’en sortais plus ».

C’est à ce moment-là que le vent a tourné : Patricia a reçu la visite des « Locaux Moteurs », une association citoyenne venant à la rencontre des habitants pour repérer les besoins et lutter contre le non-recours aux dispositifs publics. « Quand j’ai commencé, en 2016, c’était surtout pour venir en aide aux personnes non connues des services sociaux, qui passent sous les radars de l’État… On s’est vite aperçu que la problématique principale, c’était la précarité énergétique et l’adaptation du logement, et que cela touchait un public large, avec un réel besoin d’information et d’accompagnement », précise Claudine Pezeril, fondatrice de l’association. L’an dernier, 480 foyers ont été démarchés, dont celui de Patricia, sur une dizaine de communes du pays de Poher. « On est sur un territoire où il y a très peu de logements locatifs sociaux, privés ou publics ; où les personnes travaillent dans le tertiaire, souvent en contrat précaire. 80 % des habitants que l’on rencontre ont des revenus très modestes », note Claudine. Grâce au soutien de la Fondation Abbé Pierre, l’association angevine rayonne maintenant en Bretagne et où elle travaille en étroite collaboration avec les élus et 3 habitantes-relais, sous contrat 32 heures/mois. Michèle est l’une d’entre elles : « On rencontre beaucoup de personnes âgées démunies et isolées. Avec la crise énergétique, elles ont peur de l’hiver. Le fuel et le bois sont devenus un luxe, alors, penser à des travaux, c’est difficile. On passe beaucoup de temps sur place, à expliquer les dispositifs et les accompagnements possibles. Il faut créer la confiance, rassurer, conseiller…»

Grâce aux « Locaux Moteurs », Patricia va bénéficier de l’aide de l’association régionale Soliha (Solidaires pour l’Habitat), et pouvoir monter un dossier de rénovation globale. Et en urgence, avec son fonds « O abandon », la Fondation a financé l’achat de 3 radiateurs électriques pour chauffer la pièce à vivre et les chambres. « Ça a été formidable d’être aidée si rapidement. Ce qui m’a fait beaucoup de bien aussi, c’est d’avoir des personnes à qui parler. J’ai pu partager mon fardeau. »