La prolongation de la trêve des expulsions est bienvenue, mais dès maintenant il faut empêcher la spirale des impayés.
Comment imaginer que les milliers de personnes qui aujourd’hui font la queue pour obtenir une aide alimentaire, seraient en situation de payer sans difficultés leur loyer et leurs charges ?
La prolongation de la trêve des expulsions jusqu’au mois de juillet, annoncée aujourd’hui par le ministre de la Ville et du Logement, est une bonne nouvelle et un soulagement pour tous les ménages menacés d’expulsion. Reprendre les expulsions locatives dans un contexte de crise sanitaire inédite, de crise économique et sociale grandissante et de saturation totale des capacités d’hébergement des personnes sans-domicile, aurait en effet été totalement irresponsable.
Cette mesure est nécessaire mais insuffisante pour éviter à long terme une explosion des expulsions. La période de confinement et la crise économique brutale qui s’amorce entraînent d’ores et déjà et va entrainer d’immenses difficultés de paiement du loyer et des charges pour des millions de personnes qui ont vu leurs ressources chuter brusquement. Il est donc indispensable de créer dès maintenant un fonds national d’aide à la quittance doté d’au moins 200 millions d’euros.
Car sur ce plan le gouvernement n’apporte pour l’instant pas de réponse nouvelle. Il rappelle les dispositifs existants, à savoir les conseils des ADIL et le recours aux Fonds de solidarité logement, deux leviers pertinents, mais qui sont déjà très insuffisants en temps réel. Pourtant, pour des millions de personnes, la chute des ressources, actuelles ou à venir, est très préoccupante. 11 millions de personnes sont au chômage partiel et subissent en moyenne une baisse de revenus de 15 %. Plus de 600 000 personnes supplémentaires seront au chômage à la fin du confinement d’après l’OFCE. 2 millions d’indépendants n’ont pas droit au fonds de solidarité. 2 millions d’intérimaires et 500 000 saisonniers ont vu leur activité chuter fortement. 2,5 millions de personnes enfin, vivant de revenus informels, se voient priver de leurs ressources habituelles, sans aucune compensation.
Face à cette catastrophe sociale de grande ampleur, les aides exceptionnelles aux plus pauvres annoncées récemment ne suffiront pas et font l’impasse sur de nombreux publics, qu’il s’agisse de la prime de 150 € par ménage aux bénéficiaires du RSA et de l’ASS assortie d’une aide de 100 € par enfant pour les allocataires des APL, ou de la prime de 200 € pour 800 000 jeunes étudiants ou précaires.
De leur côté, de nombreux acteurs du logement social ou du logement d’insertion constatent d’ores et déjà une forte hausse difficultés de paiement et des impayés. Il est donc temps d’agir au plus vite, car comment imaginer que les milliers de personnes qui aujourd’hui font la queue pour obtenir une aide alimentaire, seraient en situation de payer sans difficultés leur loyer et leurs charges ? Sans action ciblée d’aide au paiement des loyers pour les ménages en difficulté, on peut craindre une année 2021 dramatique avec une explosion des expulsions, bien au-delà des chiffres déjà records constatés ces dernières années (15 993 ménages expulsés en 2018).
C’est pourquoi nous proposons de créer rapidement une aide ciblée sur les locataires en difficulté dans le parc privé et public. Un fonds national d’aide à la quittance doté d’au moins 200 millions d’euros qui viendrait abonder les Fonds de Solidarité Logement gérés par les Départements. Cela imposerait de mettre en place une procédure accélérée, simplifiée, largement accessible et harmonisée sur le territoire national et qui fasse l’objet d’une importante communication pour garantir que les personnes peu accoutumés des services sociaux puissent en avoir connaissance.