« Le logement, droit fondamental, au centre de toutes les difficultés »
Laurent Desmard, président de la Fondation Abbé Pierre
Cela fait plus d’un mois que les Français sont confinés, enfin presque tous. Beaucoup sont encore au travail, en soutien aux malades ou au service de tous dans un courage et une abnégation que nous devons saluer. Et d’autres sont encore à la rue…
Parmi les premiers, je pense beaucoup à toutes ces personnes dans les associations, salariés ou bénévoles, qui œuvrent plus que jamais au service des personnes en grande difficulté. Un grand merci à elles sans qui bien les plus esseulés n’auraient plus aucun contact et seraient davantage encore en danger, parfois au péril de leur vie.
Cette crise terrible a révélé avec violence les inégalités que la Fondation dénonce depuis très longtemps. Parallèlement et presque paradoxalement, elle a réhabilité l’importance du rôle de l’État et des élus de la Nation que nous ne cessons d’interpeller.
Dès les premiers jours de la crise sanitaire, la Fondation s’est faite l’écho des sans-voix, interpellant la puissance publique sur la situation inacceptable des personnes à la rue : il fallait rester chez soi… mais lorsque qu’on vit à la rue, comment fait-on ?
Depuis longtemps la Fondation dénonce le manque de logements et le mal-logement. Nous réaffirmons - et les circonstances nous donnent raison - que le logement est un droit fondamental, et s’avère être au centre de toutes les difficultés. Sans un logement digne et décent, tous les autres droits, à l’alimentation, à la santé, à l’éducation, à la sécurité… restent inaccessibles. L’abbé Pierre avant nous le répétait sans cesse. Depuis plus de trente ans, tous nos rapports dénoncent la pénurie et le coût exorbitant du logement. Et évidement les conséquences catastrophiques de la crise touchent en priorité les personnes et les ménages les plus modestes.
Un peu partout sur le territoire, on voit revenir le fléau de la faim pour des adultes, des jeunes, des enfants. Pour beaucoup d’enfants, la cantine assurait le seul repas équilibré de la journée. Partout la distribution alimentaire a dû être multipliée dans les quartiers, dans les résidences universitaires, dans les squats ou dans les bidonvilles où même l’eau fait défaut. Comment vivre à cinq dans 25 m2 ? Comment faire ses devoirs quand la famille ne partage qu’une pièce à tout faire ? Comment laisser un peu de repos à celle ou celui qui vient de sauver des vies rentre à la maison dans un logement surpeuplé ? Comment, comment, comment ? Il nous faudra maintenant répondre à toutes ces questions…
Face à l’urgence de cette situation, la Fondation a très rapidement lancé un appel à la solidarité en créant un « Fonds d’urgence SDF » et en dégageant tout de suite 500 000 euros pour faire face.
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Ce fonds, vous êtes nombreux à le soutenir. Au nom de toutes celles et de tous ceux qui en bénéficient, je veux vous en remercier et vous dire combien votre générosité me touche. Pour certains ménages, elle est vitale, soyons-en toutes et tous conscients.
Ce fonds permet de répondre aux besoins essentiels en distribuant des dizaines de milliers de tickets-service, permettant d’acheter de quoi se nourrir, en proposant des kits d’hygiène, en renforçant les maraudes, en développant les mises à l’abri…
Notre interpellation des pouvoirs publics a également donné des résultats, même s’il y a encore beaucoup à faire car le déconfinement risque de révéler encore d’avantage d’injustices. Nous le voyons, les familles tentent de pourvoir au plus urgent, remettant à plus tard le moins vital et nous savons que les dettes locatives vont s’accumuler. Il faut donc de toute urgence les soutenir. Car, nous craignons que de nombreux foyers se trouvent dans l’impossibilité de payer leur loyer et leurs charges et que les expulsions de logement augmentent massivement.
C’est pourquoi nous demandons aujourd’hui la création d’un fonds d’aide national à la quittance de loyer destiné aux locataires en difficulté dans le parc privé et public, doté d’au moins 200 millions d’euros.
Par ailleurs, suite à nos interpellations aux côtés d’autres associations de solidarité, le Gouvernement a dégagé une aide exceptionnelle bienvenue. C’est un effort, certes, mais elle ne sera versée qu’une seule fois le 15 mai et se limite à 150 euros pour certains ménages modestes et à 100 euros par enfants pour ceux qui touchent les Apl. Ce n’est malheureusement pas suffisant, sachant par ailleurs que de nombreux publics n’y auront pas accès, comme les jeunes de moins de 25 ans qui ne touchent pas le Rsa, les personnes bénéficiaires du minimum vieillesse ou les précaires qui perçoivent l’Allocation Adulte Handicapée.
Vous le voyez, la Fondation ne ménage pas ses efforts. Devant l’ampleur de la tâche, c’est souvent votre soutien solidaire qui nous fait tenir ; vos courriers, vos encouragements, votre adhésion à la cause des plus pauvres nous touchent profondément et nous redonnent sans cesse la force de faire davantage. Ce soutien est évidement indispensable d’un point de vue matériel et fondamental pour toute nos équipes confrontées directement à la détresse de beaucoup.
Pour tout cela, en tant que porte-parole de toutes nos équipes, je veux vous adresser un immense merci.