L'édito du 03 mars
Chers Amis,
Comme vous le savez sans doute, la trêve hivernale des expulsions locatives a été repoussée de deux mois par le gouvernement et prendra donc fin le 1er juin prochain. Pour la Fondation, cette décision est une bonne nouvelle dans la mesure où elle apporte un peu de répit aux ménages qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer ou leurs charges et dont les difficultés financières se sont aggravées depuis la crise sanitaire.
Pour autant, cette décision ne fait que repousser l’échéance pour des dizaines de milliers de locataires qui vivent en sursis et qui, pour beaucoup, subissent de plein fouet les effets de la crise inédite qui sévit depuis près d’un an. Etudiants ou jeunes précaires privés de petits boulots depuis des mois, locataires en emplois précaires qui voient, avec le chômage partiel ou total, diminuer leurs maigres ressources, artisans, indépendants, autoentrepreneurs pris à la gorge dans des secteurs sinistrés ou en forte baisse d’activité...
Depuis le début de la crise sanitaire, la Fondation apporte son soutien à des dizaines de milliers de personnes, adultes et enfants, qui rencontrent des difficultés pour joindre les deux bouts, certaines d’entre elles peinant même à se nourrir et se soigner convenablement au quotidien. Mais au-delà de l’aide d’urgence que la Fondation a pu leur apporter depuis près d’un an, c’est le risque de voir nombre d’entre elles basculer dans le mal-logement ou à la rue qui conduit la Fondation à tirer aujourd’hui la sonnette d’alarme.
En effet, la trêve hivernale qui vient d’être reportée doit en urgence être mise à profit pour mettre en place une politique de prévention des expulsions véritablement efficace, dotée de moyens humains et financiers conséquents, pour accompagner et protéger dès les premiers impayés les locataires en difficulté. Alors que les dettes locatives risquent de s’accumuler dangereusement au fil des mois, dans le parc privé comme dans le parc public, c’est maintenant qu’il faut agir afin d’éviter une vague d’expulsions de grande ampleur en 2021 : au 1er juin prochain, les quelques 13 000 expulsions non réalisées en 2020 pourraient l’être et s’ajouteraient alors aux 16 000 qui sévissent chaque année, sans compter les nouvelles fragilisations liées à la crise économique.
C’est pour cela que la Fondation demande au Gouvernement qu’aucune expulsion n’ait lieu sans relogement et de créer au plus vite un fonds national d’aide au paiement des loyers doté d’a minima 200 millions d’euros. La Ministre du logement, lors de la présentation de notre rapport annuel sur l’état du mal-logement, le 2 février dernier, a indiqué être disposée à étudier cette proposition de fonds d’aide à la quittance. Il est désormais temps de passer à l’acte.
La crise sanitaire a montré à quel point vivre dans un logement digne et pouvoir s’y maintenir était primordial pour chacun de nous. Cela, alors même que le logement a été le parent pauvre de la politique menée depuis le début du quinquennat, produisant des effets qui commencent à se faire durement ressentir : ralentissement de la construction de logements sociaux ; forte baisse des attributions Hlm, diminution de l’efficacité des APL suite aux économies budgétaires massives opérées depuis 2017 sur cette aide essentielle, trop faible montée en puissance de la politique du logement d’abord pour les personnes sans domicile…
Il est donc aujourd’hui plus que jamais nécessaire de recadrer le tir, en désamorçant en urgence la bombe à retardement que constituent les impayés de loyer mais aussi et plus largement, pour relancer une politique sociale du logement qui fait durement défaut… Il en va de la solidarité et de la dignité pour les personnes les plus fragiles mais aussi de l’efficacité de l’action publique, tant la mise en œuvre d’une politique sociale du logement dynamique serait vertueuse pour l’emploi dans le secteur, l’écologie et le vivre ensemble.