« L’urgence est aux partages »
(…) « Le monde entier, aujourd’hui sait tout. Même le plus pauvre sait ce qui se passe, presque instantanément d’un bout du monde à l’autre. Il voit les photos indécentes de ceux qui ont des logements luxueux, des habits et de la nourriture en surabondance (…) »
Ainsi s’exprimait l’Abbé Pierre lors d’une conférence qu’il avait donnée dans les années 80, à Paris. Une quarantaine d’années plus tard, que dirait-il de l’état de notre monde ? Un monde où le fossé entre les plus riches et les plus pauvres se creuse chaque jour davantage et dans lequel la fraternité, la solidarité ont tant de mal à s’imposer ?
Que dirait-il de la situation en France où 10 % des plus riches, des plus privilégiés détiennent plus de la moitié de la richesse nationale et où plus de 140 000 personnes, sans aucune ressource, sont condamnées à vivre dans la rue ou sans domicile ?
Que dirait-il face aux réformes économiques actuelles du Gouvernement qui, sous prétexte de productivité et de compétitivité, ne s’attaquent pas sérieusement aux inégalités et laissent se multiplier les injustices ?
Nous qui l’avons connu, qui l’avons entendu s’exprimer et se battre sur tous les fronts pour défendre les plus fragiles, les « sans-voix », pensons qu’il pousserait un formidable « coup de gueule » comme il savait le faire, interpellant la classe politique sans ménagement. Rappelons-nous !
« Vous les Politiques, ne croyez-vous pas qu’il serait temps, plutôt que de vous faire la guerre pour le pouvoir, d’élaborer un programme contre les injustices et la pauvreté » (Abbé Pierre, 1980)
Mais les « Politiques » continueront à faire la sourde oreille si nous, citoyens, n’exigeons pas de changement. À nous de leur demander d’agir pour un partage plus juste des ressources. À nous de nous mobiliser autour des valeurs qu’il nous a léguées, tellement pertinentes aujourd’hui.
En 1989, l’abbé Pierre disait encore avec le mouvement Emmaüs : « L’urgence est aux partages ». C’est aujourd’hui de l’extrême urgence avant que la peur, la violence, la colère ne s’installent définitivement ici et ailleurs. Notre responsabilité est engagée pour mener un combat que notre fondateur définissait ainsi :
« … Il n’est pas vrai que la misère soit inéluctable. Mais il est vrai que lutter contre la misère est un combat quotidien. Dans ce combat, nous ne sommes jamais sûrs de gagner mais je suis sûr que c’est un devoir de l’entreprendre et d’y investir toutes ses énergies. »
Raymond Etienne,
Président du groupe de la mémoire Abbé Pierre.