Mal-logement : alerte sur la division pavillonnaire.
2 000 logements ont été produits chaque année par la division de près de 800 maisons, entre 2001 et 2011.
3 questions posées à Anne-Claire Davy, spécialiste Habitat et Société, à l’Institut d’aménagement urbain d’Île-de-France.
La division pavillonnaire est-elle un phénomène récent ?
Elle a de tout temps existé et correspond à l’évolution de la ville : il y a eu des divisions de maisons de maître par étage et avec partage de jardin, sans que cela pose de problème, au contraire, c’est une forme de réponse locative. La division pavillonnaire peut donc être vertueuse, elle correspond alors à l’adaptation aux usages et aux modes de vie.
Cependant, le phénomène récent qui date des années 2000 et sur lequel nous avons travaillé ne l’est pas. Il s’agit de formes de division pavillonnaire « spontanées » et non encadrées et plus à risque, localisée sur la grande couronne d’Ile-de-France et qui concerne un tissu d’habitat populaire.
Entre 1999 et 2008, dans 62 % des communes franciliennes ayant connu une densification au cours de cette période, le parc de logements a augmenté sans aucune croissance de la surface dédiée à l’habitat.
De 2001 à 2011, près de 2000 logements auraient ainsi été produits chaque année en Île-de- France par la division de près de 800 logements individuels.
Il s’agit surtout de maisons ouvrières de moyenne qualité qui sont revendues au moment du départ à la retraite. Nous avons par exemple une situation à Orsay où une maison de 180 m2 a donné naissance à 8 logements, dont certains de moins de 9 m2 et sans fenêtre… Tous étant pourtant loués et à des prix parmi les plus hauts du marché !
Ces pavillons divisés peuvent accueillir jusqu’à 15 personnes, certains dormant dans des locaux annexex (cave, chaufferie,espace à vélos).
En Ile-de-France, 18 % des ménages locataires occupent un logement suroccupé (10), ce taux pouvant aller jusqu’à 30 % en Seine-Saint-Denis, département où la division pavillonnaire est la plus prégnante.
Toutes les délégations départementales de l’Agence régionale de la santé (ARS) constatent l’intensification de l’occupation du parc locatif, et cela va même jusqu’à certains bâtiments agricoles qui sont aujourd’hui occupés de cette manière. C’est une dynamique qui fonctionne comme l’habitat indigne : c’est un refuge pour les plus faibles.
Les marchands de sommeil sont-ils à l’origine de cette nouvelle forme de mal-logement ?
« Oui, il existe bel et bien des filières de marchands de sommeil qui exploitent la division pavillonnaire et la pauvreté. Mais il faut noter que l’on constate ce phénomène inquiétant également dans les appartements, et notamment dans certaines copropriétés dégradées. Par exemple, à Grigny 2 où un propriétaire occupant d’un T3 loue 2 de ses chambres au tarif de 1500 euros par mois, portant l’occupation du logement de 50m² à près de 15 personnes. Il y a véritablement une intensification de l’exploitation locative qui créé des situations de mal-logement accentuées.
C’est un phénomène multiforme : les travaux de division sont souvent mal réalisés, avec peu de moyens, même parfois lorsqu’il s’agit de propriétaires occupants.
Avec les marchands de sommeil, on observe souvent des situations cumulant les facteurs de dégradation : pas de chauffage ou de très mauvaise qualité, manque d’isolation ; absence de sanitaires intérieurs, pas ou très peu d’ouvertures… la division pavillonnaire non maîtrisée entraine de fait la création de micro-copropriétés sans droits. Et peu à peu, on assiste à une dégradation du bâti et des espaces communs.
L’intensification de l’exploitation du parc se voit aussi aujourd’hui en Ile-de-France dans la création de logements dans d’anciens locaux ou commerces industriels où s’installent des familles entières sans un minimum d’adaptation (équipements, ouvertures…). C’est une nouvelle forme de mal-logement qui est directement liée au manque de logements accessibles et au prix unitaire du logement exorbitant, à la location ou à l’achat.
Que peut-on faire ?
La division pavillonnaire progresse un peu partout en Ile-de-France et c’est un vrai sujet de droit de l’urbanisme. Des villes réfléchissent à la protection de leur tissu pavillonnaire, la région soutient une expérimentation de préemption ciblée, menée par l’EPFIF dans quelques communes très concernée de la Seine-Saint-Denis et quelques communes réfléchissent à l’instauration du permis de diviser contenu dans la loi Alur… Le problème est de bien différencier la division pavillonnaire vertueuse de celle qui ne l’est pas et dont les plus pauvres sont victimes. »