Pour un accueil digne et respectueux des droits fondamentaux des étrangers en France
La Fondation Abbé Pierre est signataire du Manifeste publié à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés le 20 juin 2016 et signé par 84 associations.
Près de 60 millions de personnes étaient déplacées, demanderesses d’asile ou réfugiées à la fin de l’année 2015 selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : un chiffre sans précédent depuis la seconde guerre mondiale.
En France, un peu plus de 80 000 personnes ont sollicité l’asile en 2015.
Si les premiers mois de l’année 2016 indiquent une augmentation relative (+23 %) de ces demandes, ces chiffres sont sans commune mesure avec l’ampleur du défi et des efforts fournis par des pays tels que le Liban, la Turquie ou d’autres pays en d’Afrique.
S’il faut reconnaître les efforts déployés par le Gouvernement français pour renforcer les capacités d’accueil proposées aux réfugiés et demandeurs d’asile, ces mesures sont très insuffisantes et ne permettent pas à la France d’honorer ses engagements : non hébergement de nombreuses personnes demandant l’asile, délai de plusieurs mois pour accéder à la procédure, dégradation de la qualité de l’accompagnement, persistance de campements indignes, etc.
À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, nous demandons une nouvelle fois au gouvernement de prendre les mesures à la hauteur de la situation, de respecter ses engagements internationaux, et de favoriser l’accueil dans la dignité et de manière pérenne des personnes contraintes à fuir la guerre et les persécutions.
Face à une Europe frileuse qui se ferme et se replie sur elle-même, la France doit montrer la voie en apportant une réponse courageuse et humaniste.
ACCES SECURISE DES ETRANGERS AU TERRITOIRE FRANÇAIS et EUROPEEN
Nous réaffirmons avec force qu’il est urgent d’assurer un accès légal et sécurisé au territoire français des étrangers fuyant les dictatures et les zones de guerre. Le renforcement des contrôles aux frontières et les accords bilatéraux qui conduisent à enfermer et trier les étrangers, à l’instar de l’accord UE-Turquie, sont indignes et contraires aux valeurs que les Etats prétendent défendre.
Ces mesures sont en outre criminelles car elles incitent les exilés à se tourner vers les réseaux et à prendre toujours plus de risques pour rejoindre l’Europe.
Depuis le début de l’année 2016, plus de 2 800 personnes au moins sont mortes en Méditerranée.
À l’inverse des choix politiques qui font primer les intérêts sécuritaires au détriment des droits humains, nous demandons d’une part que soient généralisés les mécanismes de réinstallation vers l’Europe des réfugiés à partir des pays de premier accueil, et d’autre part que soit étendue et facilitée la délivrance de visas aux personnes présentes dans ces pays et, souhaitant solliciter l’asile en France ou en Europe.
POUR UN PLAN NATIONAL SUR LE PREMIER ACCUEIL
Un plan national d’accueil global des exilés assurant leur prise en charge dès leur arrivée sur le territoire doit être mis en place. Aujourd’hui, les exilés arrivant en France au terme de leur parcours et qui n’ont pas de ressources ou de soutien communautaire n’ont souvent d’autre choix que de grossir les campements, dans le Calaisis comme à Paris, parfois durant plusieurs mois, avant d’être orientés vers un hébergement.
Durant cette période, les citoyens et les associations tentent d’apporter le minimum vital aux exilés : repas, couvertures, kits d’hygiène...
Ces conditions de vie déplorables, qui touchent des personnes déjà affaiblies, sont intolérables et viennent dégrader encore l’état de santé physique et mentale de ces personnes.
Afin d’accueillir humainement ces personnes et de respecter nos engagements européens, un plan d’accueil global assurant l’hébergement de l’ensemble des exilés dès leur arrivée doit être adopté.
Il reposera, entre autres choses, sur l’augmentation de l'offre de logements et d’hébergements pour l’ensemble des publics à la rue, sur la réduction des délais d’attente pour accéder à la procédure d’asile, sur la mise en œuvre d’un accompagnement sanitaire et social adapté, sur l’amplification des ouvertures de places d’hébergement pour les demandeurs d’asile et des bénéficiaires d’une protection afin de fluidifier l’ensemble du dispositif.
AMELIORER L’ACCUEIL DES ETRANGERS POUR CONSTRUIRE UNE SOCIETE OUVERTE ET SOLIDAIRE
L’insertion des étrangers en France est fortement liée à l’accueil qui leur est réservé à leur arrivée. Elle dépend aussi de l’accompagnement social dont ils pourront bénéficier tout au long de leur parcours.
Sur ce point, la réforme de l’asile de l’été 2015 a abouti à une dégradation de l’accompagnement dans les structures d’hébergement qui ont dû réduire leur mission d’insertion, et ce, alors qu’un tiers des demandeurs d’asile obtiennent une protection internationale. Le regard sur les demandeurs d’asile doit changer. Ils ne peuvent plus être considérés comme de potentiels déboutés, mais comme nos futurs concitoyens, amenés à construire avec nous une société commune.
Atteindre cet objectif passera nécessairement par la mobilisation des services publics et des associations sur l’accompagnement et l’accès aux droits sociaux, l’accès aux soins, l’apprentissage du français, la scolarisation des enfants, l’accès au logement, la formation professionnelle et l’accès à l’emploi.
Des dizaines de milliers de citoyens, bénévoles, salariés d’associations sont déjà mobilisés au côté des exilés arrivés en France.
Le gouvernement se doit de prendre enfin le relais de cette dynamique d’accueil et de solidarité et, au-delà des politiques de gestion de crise à court terme, d’engager une politique volontariste d’accueil et d’intégration conforme à nos engagements internationaux et aux valeurs de la