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Je n'ai plus peur

Eliane vient d’installer des petits coussins brodés sur les chaises de sa terrasse, bientôt elle fera quelques plantations. À l’intérieur, elle présente un par un les bibelots qui racontent sa vie.

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« J’ai acheté ces pendentifs pour décorer ma cuisine. On m’a offert cette poupée en porcelaine pour mon anniversaire et ces coussins, je les ai trouvés dans la rue ! Je les ai lavés, ils font très bien sur mon lit, j’adore le rose. » À 69 ans, Éliane est la doyenne de la Pension de famille de Woippy où elle s’est installée en 2003. « Au début, ça n’a pas été facile, je ne connaissais personne… l’assistante sociale m’avait dit de venir ici pour ne pas vivre seule.

« J’ai cru que je n’allais pas rester. » Possibilité de déjeuner ou dîner tous les jours avec les autres résidants ; cuisiner, s’occuper des tâches ménagères ou encore pratiquer des activités à l’extérieur, Éliane ne s’en sentait pas capable et n’en avait même plus envie. « Petit à petit, je m’y suis mise. Régine m’a donné confiance en moi et m’a poussée à faire des choses. Grâce à elle, je me suis inscrite à des cours de cuisine, alors que j’avais vraiment peur des autres. »

Donner à chacun le temps de se reconstruire, apporter l’écoute et l’attention nécessaires, éviter l’isolement, Régine et Laurie, les deux hôtes de la Pension, respectent l’intimité de chaque résidant tout en veillant à son insertion. Une formule inédite, sans limitation dans la durée, qui al l ie autonomie dans le logement et vie collective, et dont bénéficient aujourd’hui des centaines de personnes dans les 41 Pensions du réseau de la Fondation.

 

Belle pour remercier

Victime de violence, Éliane s’est retrouvée à la rue après avoir élevé ses 7 enfants. « J’ai failli mourir. On ne me croira peut-être pas, mais c’est de vivre ici qui m’a sauvée. » Chaque matin, Éliane prend son café à 9 heures avec les autres résidants. « Si j’ai envie d’être toute seule chez moi, je prends ma semaine et l’indique à Régine ou Laurie. Je peux déjeuner chez moi, inviter du monde, sortir. J’aime cette liberté. Et si je n’ai pas le moral, je sais que je peux en parler. Ici, on me dit souvent que j’ai bon coeur, ça me fait plaisir. Aujourd’hui, on me reconnaît sur le marché quand je suis sur le stand de la Pension pour proposer de la soupe ou un café ; je discute avec les gens et j’aime ça. »

Dans son studio de plain-pied sur le jardin, Éliane fait des projets. « Je voudrais m’acheter une belle robe pour que Régine soit fière de moi lorsqu’elle partira en retraite. J’ai tellement de bons souvenirs avec elle, on se connaît depuis 12 ans. » À côté de son ordinateur, Éliane a posé la photo d’Hugues, son voisin, décédé brutalement cet hiver. « Depuis qu’il est parti, j’ai décidé de profiter de chaque jour de la vie et de faire mon possible pour aider ceux que je rencontre dans la rue. Ils n’ont pas la chance de vivre ici. »