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Je n’oublierai jamais Leila, Marc et les autres

Samedi 19 septembre, seconde journée du festival « C’est pas du Luxe ! », à Apt.

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Déambulant dans les rues aptésiennes, Philippe Torreton, parrain de cette 3e édition, a pu assister à quelques spectacles.

« Ce que j’ai vu était très beau. Je n’oublierai jamais Leila, Marc et les autres qui ont joué dans la pièce « L’arbre aux offrandes ». Raconter sa vie, oser se livrer, se raconter,  c’est fondamental, ça n’est pas du luxe ! C’est inhérent à l’espèce humaine. Cela nous nourrit autant que manger et dormir sous un toit.

Ici, dans ce festival, il y a un échange. Cela confirme complètement ce que j’ai en moi, la nécessité de mon métier et du spectacle vivant… On communique, on passe notre vie à parler aux autres. »

« On est tous des nouveaux-nés qui avons besoin d’être stimulé, encouragé, valorisé.  Quand on se livre, qu’on se raconte, on ne fait que décliner ce qu’on est. Il faut dire à chacun : « C’est bien ce que tu fais, c’est vachement bien, c’est courageux ! »

Dans ce festival, les gens parlent d’eux, c’est une démarche artistique absolue. Ils font ce que nous, artistes, nous faisons tous les jours. Parler aux autres, monter sur scène, c’est se prendre en considération. Il faut continuer ce qui se fait ici.

 

M’engager plus encore aux côtés de la Fondation

« J’aimerais m’impliquer plus dans les actions de la Fondation. J’ai toujours admiré l’abbé Pierre. C’était un homme qui poussait des coups de gueule et qui était contemplatif. Je partage sa colère, j’ai de la colère en moi et en même temps, j’ai besoin d’observer. De regarder la beauté de ce qui nous entoure. Pour moi, c’est important de continuer son combat et d’amener chacun à trouver sa propre autonomie.

La culture permet de retrouver l’estime de soi. Que l’on soit spectateur ou acteur. Quand je vais au théâtre, quand je sors, je me prépare, je me fais beau. J’agis sur moi, comme l’acteur. Et j’affronte le regard de l’autre. La culture permet de se construire. »

 

Entre le musée et la MJC, au détour d’une ruelle, dans la petite cour du club des jeunes, les 10 photos grand format des Boutique Solidarité et Pension de famille d’Angoulême sont affichées en plein soleil. Pleines d’humour, elles illustrent les besoins et le quotidien des résidants et des accueillis. Elles parlent de logement, d’accueil et cherchent à faire tomber quelques clichés sur l’exclusion. Un an de travail au cours d’un atelier qui a débuté pour les 20 ans de la Boutique et qui se prolonge depuis… Des enfants jouent au ballon, les spectateurs déambulent. Visages animés et figés se mêlent les uns aux autres.

« C’est bouleversant, c’est magnifique ! » s’exclame une Aptésienne qui rentre du marché. Des touristes de passage dans la ville d’Apt connue pour ses fruits confits se régalent. « Vraiment, quand on voit ce qu’exposent les galeries, ils peuvent être fiers de ce qu’ils font »…

Un peu plus loin, dans le bus Abbé Road, des habitants du Village, le chantier d’insertion de Cavaillon, découvrent le taudis. «  Au moins la moitié des personnes que nous accueillons vivent dans des caves, des tentes au bord de la Durance. Ils travaillent et n’arrivent pas à se loger. Il y a très peu de logements sociaux dans le sud Vaucluse. »

Louis, 57 ans, résidant de la Pension de famille de Voiron, vient pour la 3e année au festival « C’est pas du Luxe ! ». Cette année, il joue à la MJC un spectacle de théâtre. Il a pris le temps de visiter le bus et raconte son angoisse de monter sur scène.

 

« Je ne pensais pas que je serais capable d’arriver jusque-là. »

Louis confie : « J'ai le trouillomètre à zéro ! Dans la pièce, je joue le personnage d’un syndicaliste qui critique la société financière. Ça me va bien, ce personnage, je suis un ancien ouvrier du textile. J’ai été licencié et je me suis retrouvé à la rue. Cela fait deux ans que je suis à la Pension de famille, je retrouve confiance en moi. »

Le respect de soi et des autres, Nadia, le retrouve elle aussi peu à peu. Elle livre ses émotions à travers les mots, lors de l’atelier d’écriture que Colette, bénévole, anime à la ferme Clarisse, au village de Lézan. 20 minutes par semaine qui permettent de faire jaillir de la souffrance, de la joie. « On s’est tellement longtemps refusé la parole… ». Aujourd’hui, elle et une petite dizaine de personnes prennent la parole haut et fort à la chapelle des Carmes. Depuis deux ans à la Pension de famille, Nadia retrouve de l’amour,  du sens à sa vie et de la chaleur. Elle voulait en témoigner au festival. « J’avance avec les mots, je guéris petit à petit. Je m’apaise et ça me reconstruit. »

 

Ici, il y a du concret, du vrai

Vendredi soir, juste avant de monter sur scène justement, Balik, le chanteur de Danakil, nous confiait. « Avec la Fondation, il y a un rapport humain avant tout. C’est une histoire de personnes. Moi, j’ai voulu faire de la musique pour prendre la parole, parce que je ressentais des choses. Je suis très sensible aux inégalités et je sais que la Fondation travaille à les réduire. On ne peut pas laisser aux opprimés, aux plus modestes, le monopole de la souffrance. Moi, je parle de la misère dans mes chansons, des problèmes de ceux qui les vivent. C’est ma façon à moi de faire quelque chose face à la douleur des gens. »

Samedi après-midi, les portraits de la Pension de famille de Woippy flottaient au vent, square de la révolution. Tout près, à la MJC, les personnes qui s’étaient inscrites au cours de chant lyrique commençaient leur vocalise. Un peu plus tard, on entend les résidants de la Pension d’Angoulême : la chorale a attiré beaucoup de monde et il ne reste plus de place assise. Tant pis, on s’asseoit par terre, à l’ombre ou au soleil. Les chansons interprétées par Brigitte, Luc, Sébastien et tous les autres s’enchaînent les unes après les autres, au gré d’un jeu subtil de valises et au son de la guitare.

Dans le bâtiment qui jouxte le musée de la ville, la galerie d’art improvisée ne désemplit pas. À l’intérieur, sont exposées des peintures réalisées par des personnes accueillies ou résidantes. Pendant deux jours, ils sont des artistes reconnus : les œuvres picturales se vendent au fil de la journée et des belles rencontres ont lieu quand acheteurs et vendeurs font connaissance.

Thomat, 64 ans, qui fréquente l'accueil de jour "l'Assol", à Nanterre, n’en croit encore pas ses oreilles : il a peut-être vendu son arbre, sculpture de papier et d’acier de 2 m20, qu'il a réalisée à l'association et qui est mise à prix à 4 000 euros. « J’ai passé un an à le faire, avec des interruptions. Je l’ai réalisé parce que j’avais de la haine en moi, de la violence et que, plutôt que d’utiliser mes mains à faire du mal, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Et j’ai fait cet arbre, mon arbre à mains. S’il est vendu, j’espère que ça donnera envie à d’autres de faire de l’art plastique. Je ne cours pas après l’argent, mais en tout cas, cela va améliorer ma vie.»