Logements bouilloires : le degré zéro de l’action publique
L’été en France a de nouveau été marqué par une chaleur accablante. Malgré la récurrence et les conséquences dramatiques de ces événements caniculaires, des millions de personnes continuent à vivre dans des logements qui se transforment en véritables bouilloires, sans que les pouvoirs publics n’en fassent une priorité.
55 % des Français déclarent avoir eu trop chaud dans leur logement en 2023[1]. Une exploitation inédite de l’Enquête Nationale Logement 2020 par la Fondation Abbé Pierre révèle également que le nombre de personnes vivant dans des logements trop chauds est en hausse de 26 % depuis 2013.
Ces chiffres s’expliquent par des logements mal isolés et mal ventilés, mais aussi par l’absence d’espaces extérieurs ou de volets pour se protéger des rayons du soleil.
Les conséquences pour le système de soin d’urgence sursollicité et la santé des occupants sont dramatiques : en 2023, la chaleur a été responsable de la mort de 5 000 personnes, dont 1 500 pendant les canicules[2].
Ce phénomène touche particulièrement les personnes âgées, les jeunes, et les ménages modestes. Cette vulnérabilité s’explique notamment par la morphologie urbaine des quartiers populaires, dont le manque d’espaces verts et la bétonisation favorisent les ilots de chaleur urbain. Les ménages y vivent souvent en surpeuplement, dans des logements de mauvaise qualité[3] et rarement équipés de climatisation.
« Majoritairement locataires et sans moyens techniques et financiers pour effectuer des rénovations, les plus modestes subissent la double peine des conséquences du dérèglement climatique alors même qu’ils ont les moins importants contributeurs. Bien au-delà de l’euphémisme du « confort d’été », c’est l’habitabilité des logements et leur capacité à protéger leurs habitants des conséquences sanitaires et sociales de la chaleur qu’il est urgent de prendre en compte » alerte Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
L’adaptation des logements ne figure toujours pas au cœur des politiques de rénovation et de lutte contre la précarité énergétique. Malgré de timides évolutions, ces dernières s’intéressent principalement à la réduction de la consommation d’énergie, à la décarbonation des modes de chauffage et au maintien d’une température minimale dans le logement.
En plus d’être insuffisamment intégré aux dispositifs publics d’accompagnement et de financements locaux et nationaux, le sujet de l’adaptation des bouilloires thermiques est absent des obligations de rénovation pour les bailleurs. Elle continue de se heurter à des freins réglementaires et patrimoniaux qui empêchent l’installation de protections solaires ou l’application de couleurs claires en façade et en toiture.
Si des solutions passives de refroidissement ne sont pas suffisamment déployées, la climatisation continuera nécessairement de proliférer, provoquant l’augmentation des factures d’énergie, l’aggravation de la surchauffe urbaine et la hausse des émissions de gaz à effet de serre.
La Fondation Abbé Pierre appelle de nouveau l’État, les collectivités et les propriétaires à affronter d’urgence le péril mortel de la précarité énergétique d’été, principalement pour les plus fragiles. Il est nécessaire de :
- intégrer systématiquement des travaux d’adaptation aux vagues de chaleur aux rénovations énergétiques subventionnés par l’État : isolation thermique, installations de protections solaires, ventilation adéquate, couleurs claires pour les toits murs et volets, brasseurs d’air et végétalisation,
- intégrer la notion de chaleur aux critères de décence des logements,
- faciliter la réalisation de travaux grâce à l’évolution du DPE et des règles de protection du patrimoine,
- instaurer un plan « grand chaud » permettant de protéger les personnes sans abri et habitants de lieux de vie informels, particulièrement vulnérables lors des canicules.
Retrouvez ici l'étude complète
[1] Baromètre info énergie, Médiateur de l’Energie, 2023
[2] Santé publique France
[3] Observatoire national de la rénovation énergétique, Le parc de logements par classe de performance énergétique au 1er janvier 2022, 2022
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