Mal-logement en France : la bombe sociale a explosé
Le 29e rapport sur « L’état du mal-logement en France », que la Fondation Abbé Pierre rendra public le 1er février prochain à la Maison de la Mutualité (Paris), est particulièrement alarmant tant 2023 a été une année noire pour les mal-logés. Tous les indicateurs montrent que la bombe sociale si redoutée a explosé, sans que le gouvernement n’en mesure la gravité. L’absence de logement comme le logement insalubre constituent pourtant une atteinte à la dignité des personnes. C’est cette question de la dignité due à chacun qui a conduit la Fondation à consacrer le chapitre central de son rapport à l’habitat indigne.
2023, année noire pour les mal-logés
L’année 2023 restera celle d’une aggravation alarmante de la crise du logement. Cette crise annoncée s’impose par son ampleur et la gravité de ses conséquences économiques et sociales qui plongent les plus vulnérables dans une situation encore plus difficile qu’il y a un an.
Faute d’une réponse gouvernementale suffisante, des milliers de personnes ne disposent toujours pas d’un hébergement. Parmi les victimes de la crise figurent également, les plus modestes, de plus en plus de femmes et d’enfants, des étudiants qui renoncent à leurs études faute de logement, des demandeurs de logement social en concurrence pour accéder à un logement locatif quand la demande est quatre à cinq fois supérieure à l’offre disponible annuellement et des ménages confrontés au rétrécissement de l’offre locative privée compte tenu de l’emprise croissante des meublés touristiques. La crise touche également cinq millions de propriétaires et locataires qui habitent des passoires thermiques, lesquels deviennent en été de véritables « bouilloires », des salariés qui éprouvent des difficultés pour poursuivre leur trajectoire professionnelle comme des entreprises bloquées dans leur recrutement faute de logement… Les dysfonctionnements s’accumulent sans que le pouvoir politique ne s’en saisisse vraiment.
Bien malmenée depuis 2017, la question de l’habitat continue à être traitée par l’exécutif avant tout à travers le prisme budgétaire au détriment de la dimension sociale.
L’absence de réponse réelle du gouvernement à cette crise est assourdissante et ses propositions ponctuelles et sectorielles ne prennent pas en compte les causes de la crise et la gravité de la situation. De nombreux signaux – l’affaiblissement des dispositifs de solidarité dans le domaine du logement comme le recul des mécanismes collectifs de protection au sein de la société – montrent une certaine indifférence à l’égard des plus défavorisés, au mépris du mot d’ordre pourtant constitutionnel de « fraternité ». 70 ans après l’appel de l’Abbé Pierre, la Fondation tient à rappeler ici son message : « Il ne faut pas faire la guerre aux pauvres mais à la pauvreté ».
L’éternel retour de l’habitat indigne
Dans son 29e rapport, la Fondation Abbé Pierre a choisi de montrer la permanence d’un phénomène qui concernerait au moins 600 000 logements (dont 150 000 en Outre-mer) et soumettrait plus d’un million de personnes à des conditions de vie très difficiles et dangereuses pour leur santé et leur sécurité : l’habitat indigne. Un phénomène qui se transforme perpétuellement, faisant basculer de nouveaux segments du parc immobilier dans l’indignité.
C’est bien le défaut d’entretien du bâti, plus que son ancienneté, qui est à l’origine de la dégradation de nombreux bâtiments. La démocratisation de l’accession à la propriété d’une part, et la financiarisation du logement comme produit à forte rentabilité d’autre part, ont contribué à faire apparaître la figure du « petit propriétaire » aux ressources limitées, n’ayant pas anticipé les coûts d’entretien du bâtiment au moment de l’achat et se trouvant en difficulté aujourd’hui pour engager les travaux nécessaires.
Au-delà des conséquences sanitaires, souvent en lien avec de l’humidité et des moisissures, ainsi que le saturnisme, vivre en habitat indigne accroit également les situations de pauvreté des occupants (factures d’énergie démesurées, augmentations de charges dans les copropriétés, etc.) et les frais exceptionnels peuvent mettre en péril des budgets déjà très serrés.
Malgré les efforts déployés, de nouveaux ménages basculent chaque année dans l’indignité, en raison de trois causes principales : le déficit structurel de logements abordables, un parc vieillissant qui continue à se dégrader faute d’entretien suffisant et des situations d’exclusion qui s’accroissent.
La lutte contre l’habitat indigne reste hélas le parent pauvre de la politique du logement. Depuis les lois de décentralisation de 1983, l’État s’est partiellement désengagé du financement des services communaux d’hygiène et de salubrité (SCHS). Aujourd’hui, seules 208 communes en France ont un SCHS financé par l’État. On observe en outre que la part du traitement de l’habitat indigne dans l’action de l’Anah demeure limitée. En 2022, sur 718 555 logements rénovés grâce aux aides de l’Anah, seuls 2 % relevaient spécifiquement du traitement de l’habitat indigne (soit 14 555 logements).
Pour la Fondation Abbé Pierre, la liste des actions urgentes à mener de la part d’un gouvernement qui voudrait faire reculer le mal-logement est longue : relancer le financement du logement social, revaloriser les APL, rehausser les minima sociaux, soutenir le travail social, généraliser l’encadrement des loyers, ériger le logement en priorité nationale pour que plus personne ne dorme à la rue en prenant appui sur la philosophie du Logement d’abord… Il est urgent de passer à l’action.
Vous pouvez télécharger ici :
- Le 29e rapport sur « L’état du mal-logement en France »
- Le dossier de synthèse du 29e rapport sur « L’état du mal-logement en France »
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